En septembre 2001, un sommet mondial contre le racisme, l’intolérance et la discrimination s’est tenu à Durban en Afrique du Sud. Le Mexique avait fait participer une personne handicapée, Gilberto Rincón Gallardo, en qualité de co-président de sa délégation. C’est lui qui a porté devant l’assemblée la proposition de développer une Convention large et globale qui reconnaîtrait la dignité et les droits des personnes handicapées. À la surprise de la délégation mexicaine, la proposition n’a même pas fait l’objet d’un vote; elle a été approuvée par acclamation et incluse dans le plan d’action de Durban.
Luis Fernando Astorga
Ensuite, la délégation mexicaine a commencé de frapper aux portes des Nations Unies à New York, en la personne d’une de ses représentantes, Bérénice Dias. Elle s’est très vite heurtée à une forte résistance de la part des pays développés, très préoccupés par les coûts importants qu’impliquent le développement et les services d’une Convention; par exemple, la seule création d’un Comité suppose l’entretien de tout un appareil de fonctionnaires. Or, le budget de l’ONU est alimenté par les contributions des Etats membres et bien sûr, ceux qui donnent le maximum sont les pays développés.
Luis Fernando Astorga
Je ne pense pas que ce traité était censé voir le jour. Il est en partie né du talent de la délégation mexicaine. Vicente Fox, à cette époque Président du Mexique, s’était engagé auprès des représentants du handicap à donner la priorité à un traité international. Les diplomates mexicains étaient habitués aux tours de passe-passe d’avant négociations. Nombre de gouvernements avaient intérêt à ce que les négociations n’aboutissent pas.
Marianne Schulze
En tant que présidente de l’Institut interaméricain du handicap et de l’inclusion (IIDI), j’ai été informée par un membre de la mission américaine aux Nations unies de ce que les pays développés manifestaient une certaine réticence à lancer le processus de création d’une Convention. Au cours de son appel, il m’a indiqué que, pour exprimer leur soutien et défendre le processus, ils avaient besoin de la voix du mouvement des personnes handicapées. L’institut pouvait compter sur de puissants réseaux et sur une liste exhaustive de personnes, classées par langues. Avec Luis Fernando, nous avons rapidement élaboré une note pour le mouvement des personnes handicapées et l’avons ensuite envoyée à tous les membres de cette liste. C’est la part invisible de l’histoire.
Rosângela Bierman Bieler
Tout ceci a contribué à l’adoption, le 19 décembre 2001, de la résolution 5668 qui a lancé le processus de négociation. Le Mexique accepta que la résolution ne s’oriente pas immédiatement vers une Convention. On parvint à créer le comité ad hoc, chargé pendant la première session d’août 2002 de déterminer la pertinence d’un traité international sur les droits des personnes handicapées. Cela nous a obligés à démontrer la nécessité d’avoir une Convention pour le droit des personnes handicapées. Dans le cadre de ces discussions, on nous opposa l’argument selon lequel les personnes handicapées étaient déjà inscrites dans d’autres traités, argument dont nous avons tenté de démontrer la non-pertinence, car de la même façon, il existait une Convention pour les droits des enfants et des femmes. Un autre argument fut qu’il existait déjà les Règles Universelles, nous dûmes plaider que ces dernières n’étaient que des recommandations qui ne constituaient en aucun cas un traité contraignant.
Luis Fernando Astorga
L’important est que, durant la seconde session du comité ad hoc, en juin 2003, l’idée d’une Convention ait été acceptée; on discuta ensuite du type de Convention. D’aucuns étaient en faveur d’une proposition ayant pour priorité l’élimination des discriminations, mais on se décida finalement pour un traité plus large et plus global. Un autre point consista à déterminer comment développer le processus de négociation. Plutôt que d’instaurer un comité d’experts internationaux, on opta pour une alternative originale. Sur proposition de la Nouvelle-Zélande, il fut décidé de créer un groupe de travail plutôt que de rétribuer tout un groupe d’experts; ce qui évitait des coûts très importants. Le groupe comptait 40 membres: 27 représentants des Etats et 13 des organisations internationales de la vie civile. (5 de chaque continent, 7 d’organisations mondiales de personnes handicapées et 1 représentant des organisations nationales des droits humains). De prime abord, on pouvait penser que la négociation serait difficile, c’était comme vouloir mélanger l’huile et l’eau. En effet, on pouvait s’attendre à avoir, d’un côté les représentants des Etats qui ne connaissaient pas grand-chose du handicap et seraient donc restrictifs et de l’autre, des membres de la société civile qui allaient demander la lune. Ce ne fut pas du tout le cas !
Luis Fernando Astorga
Le projet de Convention fut élaboré en deux semaines à New York pendant l’hiver glacial de janvier 2004. Ce fut une période de sérieuses négociations tenues en dehors des 8 sessions du comité ad hoc. Le coordinateur du groupe de travail était Don MacKay, ambassadeur de Nouvelle-Zélande aux Nations Unies, qui plus tard allait devenir président du Comité ad hoc. Je pense que tous les sujets ont été évoqués et quand sur certains, il y avait des divergences d’opinions, les deux points de vue étaient consignés au bas du texte pour être discutés ultérieurement. […]Le projet était si bon que si on le comparait avec la version finale de la Convention, on y trouverait de grandes similitudes.
Luis Fernando Astorga
Une fois le projet élaboré, vinrent alors les troisième, quatrième et cinquième sessions (entre mai 2004 et février 2005). Au cours de ces sessions, de nouvelles suggestions ont été faites et des propositions complémentaires ont été annexées à celles portées dans le premier projet; soit un ajout de quelque 2 ou 3 pages pour chaque article, sans qu’il soit pour autant statué sur le contenu des propositions. […] Cela commença à changer dès que Don Mackay fut nommé président du Comité ad hoc. On lui avait assigné la tâche de fournir un projet qui pourrait être utilisé comme compromis; on l’appela « Projet du Président ». Les septième et huitième sessions furent consacrées à faire le ménage dans le projet. Le président avait été instruit de ce que la Convention ne pourrait être approuvée que s’il y avait accord sur tous les articles. L’accord fut finalement obtenu en 2006 et l’approbation finale célébrée le 13 décembre 2006. Luis Fernando Astorga
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