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Le développement et l’ambiance des négociations

 

Lors de la première session, on ne se connaissait pas les uns les autres. Nous écoutions des experts internationaux sans handicap parler des personnes handicapées. Nous ne nous étions pas encore responsabilisés politiquement et le groupe de personnes handicapées était encore restreint. C’est au cours de la deuxième session que les représentants des organisations internationales des personnes handicapées ont entrepris de créer l’International Disability Caucus (IDC), qui allait porter la voix des personnes handicapées.” “Cela commença par un petit groupe qui allait s’élargir par la suite. […] Notre expérience de vie nous donnait cette capacité proactive à faire des propositions. Bien sûr, les délégués avaient une connaissance approfondie des lois et des procédures, mais rares étaient ceux qui connaissaient réellement les questions du handicap. C’est pour cette raison que nous voulions vraiment peser politiquement avec des propositions qui viendraient compléter la Convention de 2006. Cela donnait toute sa signification à la devise: “Rien sur nous sans nous”.

Luis Fernando Astorga

Au cours des deux premières années, j'ai découvert les délégués des pays et l’ensemble des dynamiques mises en jeu pour les influencer. J'ai appris que ceux qui ont le droit de s’exprimer et de participer au vote sont les Etats plutôt que des O.N.G. internationales. Pourtant, les O.N.G. internationales pouvaient peser sur le processus en essayant d’influencer les délégués des Etats. Ce fut évidemment un véritable processus d'apprentissage en soi, mais je pense que j’apprends vite. Et, j’ai fini par participer aux côtés de la délégation de mon pays; ce fut une expérience très positive.

Silvia Quan

Dans les réunions, j'ai rencontré une personne de l'ambassade d’Indonésie aux Nations Unies. Je séjournais dans un hôtel près de l’ambassade, ce qui facilitait les contacts. Ainsi, après les réunions, j’étais invitée à prendre part aux discussions avec le représentant et l’ambassadeur pour contribuer à définir une stratégie. J'avais de bonnes relations avec l'ambassade d’Indonésie aux Nations-Unies. Comme mon hôtel n’était pas situé très loin, c’était plus facile pour moi de prendre contact avec eux. Si je rencontrais quelque problème, ils m’aidaient également à trouver les informations.

Setia Adi Purwanta (Indonesia) 

En 2003, il fut demandé aux missions d’inclure des personnes handicapées dans les délégations. La Banque mondiale et d'autres organisations ont elles aussi envoyé des personnes handicapées. Mon rôle, et celui d’autres personnes, notamment Catalina Devandas, qui travaillait aussi pour la banque mondiale, était surtout un rôle d’observateur. Nous avions un siège spécifique et à chaque session, une déclaration à faire. Bien qu'il n'y eut pas d'instruction officielle, nos superviseurs nous encourageaient à participer et à faire cette déclaration. Les diplomates nous ont tout simplement fait de la place à la tribune […]; lorsque des personnes handicapées ont commencé à prendre part au processus, il s’est produit peu à peu des choses surprenantes. Rien n'était anticipé ni prévu; cela s’est fait de manière très naturelle. Si l'on racontait cette histoire à un représentant type de l’ONU, on en réaliserait le caractère exceptionnel. Nous avons bousculé tous les protocoles en participant à des sessions fermées. Les Comités ad hoc ont été bien renseignés par le mouvement des personnes handicapées. Ce fut un processus très collaboratif. Au début, on courait le risque que certains pays refusent la possibilité d'élaborer une Convention. Mais par la suite, le processus de négociation se déroula sans heurts - à part quelques discussions sur certains articles. Il était intéressant de voir comment des pays différents, de langues différentes, pouvaient finalement parvenir à un accord; ce fut tout un exercice.

Rosângela Berman Bieler

Parallèlement à mon action au Comité ad hoc, je travaillais sur les mécanismes des Nations Unies en général. Cela m’a permis de réaliser que les négociations étaient vraiment un atelier protégé au sein des Nations Unies, avec des règles très spéciales […] Les diplomates qui rejoignaient le Comité étaient des travailleurs acharnés, pour la plupart de jeunes trentenaires. Le troisième Comité est considéré comme un tremplin dans leurs carrières. Beaucoup de ces jeunes n'avaient jamais travaillé avec la société civile dans le cadre des Nations unies, encore moins rencontré une personne handicapée... Ils furent obligés de descendre de leur piédestal et de dialoguer avec des personnes handicapées; ce qui eut un profond impact sur leur manière d'agir au sein du Comité ad hoc. Une fois la session terminée, ils sont partis pour redevenir les performants délégués qu’ils étaient. Mais ils ont réussi à passer d’un environnement à l’autre sans difficulté. L’atmosphère politique était très différente pour ne pas dire spéciale. Si vous connaissiez un tant soit peu les Nations Unies, vous pouviez voir combien cela transpirait même au sein du Comité ad hoc. Mais cette atmosphère particulière a permis d’arrondir les angles. La coordination globale de l’ensemble des contributions a été servie par la confiance qui s’était établie entre délégués et membres de la société civile. Cela s'est révélé très utile. Il convenait de le noter.

Marianne Schulze

Plusieurs pays n’étaient pas décidés à entendre nos propositions sur certains articles. Par exemple, l'article 6 sur le droit des femmes handicapées, qui naquit réellement dans la douleur, s’est heurté à la réticence politique de certains pays. C’était loin d’être gagné. Nous étions vraiment inquiets quant à la volonté politique de certain pays. C'est pourquoi nous devions faire pression sur les Etats membres pour promouvoir nos idées et faire accepter nos propositions. J'étais très impliquée au sein de la délégation malienne et j’ai participé à toutes les sessions plénières. […]Les personnes handicapées n'ont jamais cessé de faire des propositions de manière proactive pour peser sur les Etats membres. Il s’était créé une sorte de synergie entre tous les groupes en présence: l’International Disability Caucus et le projet Sud unis dans un même effort en faveur de la Convention. Je n’oublierai jamais cette atmosphère de travail; nous étions tous ici pour défendre la même cause. Quand les États membres prenaient une pause, nous continuions d’élaborer nos propositions, section par section. Et la Convention put finalement voir le jour.

Djikiné Hatouma Gakou

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