partager
Prunelle Togni, kinésithérapeute et chargée de volet réadaptation pour HI, rend visite à Cyril Avohou chez lui. | © Solva - B. Akpo / HI
Cyril Avohou est devenu tétraplégique suite à un accident de la route. Avec l’aide de HI, il avance dans son parcours de soins et réapprend à bouger ses membres pour gagner en autonomie au quotidien.
Je m’appelle Cyril Avohou, j’habite à Abomey-Calavi au sud du Bénin et j’ai une soixantaine d’années. En 2019, je travaillais depuis un an dans une entreprise avec laquelle j’étais sur le point de signer un contrat à durée indéterminée quand j’ai eu mon accident.
« Je rentrais chez moi après le travail. La route était en travaux et des tas de sable avaient été déposés sur la voie. J’étais à moins de deux kilomètres de chez moi quand un camion m’a dépassé, soulevant beaucoup de poussière. Je ne voyais plus rien et j’ai tenté de me ranger sur le côté le temps que ça retombe mais j’ai percuté une dune de sable et je suis tombé. Je n’avais pas de blessures, pas de cassures, rien, mais il m’était impossible de me lever. »
Après quelques minutes, je suis tombé dans le coma. Quand je me suis réveillé, j’étais au Centre National Hospitalier Universitaire de Cotonou où je suis resté 4 mois. J’ai été opéré à deux reprises ; les médecins m’ont dit que j’avais un nerf cassé et que c’était pour cela que je ne sentais plus mes membres. Au bout de quelques mois, ils m’ont renvoyé chez moi. J’étais devenu tétraplégique, j’avais perdu mon emploi et je n’avais plus de ressources financières.
Par l’intermédiaire de mon parrain et de mon filleul j’ai connu le Guichet Unique de Protection Sociale (GUPS) de Calavi, une structure décentralisée du ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance qui abrite un espace contact de réadaptation à base communautaire et qui est partenaire de HI. Grâce à leur accompagnement, j’y ai fait une vingtaine de séances de rééducation, prises en charge par HI.
Il n’y a pas beaucoup de centres de réadaptation au Bénin et celui de Calavi est à une quarantaine de minutes de route de chez moi. Seul, je n’aurais jamais pu m’y rendre, n’ayant pas les moyens financiers de payer chaque fois 1 500 XOF (environ 2,3 €) pour un aller-retour en taxi. Heureusement, mon parrain m’a aidé. Il passait me prendre le matin à 7 h avec son véhicule ; en comptant la distance, le trafic et le temps de la séance, on ne rentrait pas avant 10h30-11h.
« Les séances de kiné m’ont vraiment aidé, même si au début, ça n’a pas été facile. Je ne savais pas bouger la jambe droite alors qu’aujourd’hui, je peux la soulever ; je ne pouvais pas me tourner alors que désormais, si je suis dans un bon lit, je peux le faire. Je peux aussi soulever mon bras droit et surtout, je parle. Sans ces soins, tout cela aurait été impossible. »
Mais le quotidien reste compliqué : on a essayé d’assouplir mes doigts mais cela n’a pas suffi et ils sont toujours très douloureux. Je dépends énormément de ma famille pour tout, me lever, me laver, aller aux toilettes… Ma femme m’aide beaucoup, de même que mes filles qui habitent avec nous et que mon fils quand il est de passage. Nos jumelles ont 26 ans ; l’une est étudiante et l’autre est apprentie couturière. Ma troisième fille est encore au collège. Mon fils, quant à lui, a fait l’université mais a dû arrêter après mon accident car je n’avais plus les moyens de lui payer sa scolarité.
Ma femme fait tout pour moi, elle se bat seule mais n’a pas les moyens de répondre aux besoins des enfants et aux miens avec son seul travail. Elle est ma principale aidante et ce n’est pas toujours facile pour elle. C’est aussi pour cela que je veux continuer la rééducation. Je n’aime pas rester sur place, ici je suis toujours stressé car je n’aime pas qu’on s’occupe de moi. Même si ça fait mal, je veux continuer les exercices jusqu’à être libre et indépendant.
« Grâce à HI, j’ai reçu un fauteuil roulant grâce auquel il est plus facile de me déplacer dans la maison et avec lequel je peux sortir et passer du temps dans la cour, pour discuter avec les voisins ou avec mon parrain. Mais j’ai besoin d’aide pour avancer car je ne peux pas utiliser mes doigts ou mes poignets. »
Prunelle Togni, kinésithérapeute et chargée de volet réadaptation pour HI, me rend visite régulièrement pour voir mes progrès. C’est elle qui me conseille et m’explique les étapes nécessaires à ma rééducation. Elle et la responsable technique du GUPS d'Abomey-Calavi nous ont aussi accompagnés, mon épouse et moi, avec un soutien psychosocial bienvenu pour surmonter les difficultés rencontrées.
« Cyril va reprendre ses séances de kinésithérapie, » conclut Prunelle Togni. « L’objectif c’est avant tout d’améliorer son autonomie au quotidien pour qu’il puisse seul, passer du lit au fauteuil roulant, se lever. Ensuite seulement on pourra envisager l’étape suivante, qui sera de réapprendre progressivement à déambuler. »
Le projet réadaptation de HI, lancé en 2022 et qui se prolonge jusqu’en 2026, permettra d’accompagner environ 300 personnes comme Cyril Avohou. Les activités de HI se divisent en deux volets : des actions de sensibilisation à la sécurité routière, pour la prévention des accidents de la route, en partenariat avec des clubs et des associations de sécurité routière, et un appui aux services de réadaptation accueillant les victimes de la route, afin de briser la chaîne de production de handicaps moteurs et de faciliter l’autonomie fonctionnelles des personnes accidentées. HI milite également pour que les dispositifs d'appui du ministère des Affaires sociales prennent en compte les difficultés rencontrées par les aidants de personnes handicapées. Ce projet est mené en étroite collaboration avec les ministères de la Santé et des Affaires Sociales, des associations de professionnels de la réadaptation et des centres de santé.
HI est une organisation de solidarité internationale indépendante et impartiale, qui intervient dans les situations de pauvreté et d’exclusion, de conflits et de catastrophes. Œuvrant aux côtés des personnes handicapées et des populations vulnérables, elle agit et témoigne, pour répondre à leurs besoins essentiels, pour améliorer leurs conditions de vie et promouvoir le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux.
Là où sévissent les conflits, les catastrophes naturelles, la pauvreté et l’exclusion, nous travaillons aux côtés des personnes handicapées et des populations vulnérables pour améliorer leurs conditions de vie.