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Haïti : l’espoir de lendemains meilleurs

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Logistique | Réadaptation | Santé | Urgence | Haïti | PUBLIÉ LE 25 juillet 2024
Un homme se tient de dos et regarde au loin : derrière lui, s'ouvre un paysage grandiose de montagnes dans la brume.

Image d’archive. Les Mornes, Haïti, mars 2010. | © W. Daniels / HI

Malgré une situation catastrophique en Haïti – crise sécuritaire, sanitaire, alimentaire… – les Haïtiens ne se résignent pas et gardent espoir de voir leur île retrouver son éclat.

Les Haïtiens subissent depuis des mois un véritable déchaînement de violence. Malgré tout, la population garde foi en l’avènement d’un avenir meilleur. Cédric Piriou, directeur pays de HI en Haïti, revient sur la situation que connaissent l’île et son peuple, qu’il côtoie et estime depuis plus de 20 ans.

Une situation cataclysmique

Portrait de Cédric Piriou à Bruxelles, en juin 2024. © J. De Boer / HIIl faut bien comprendre qu’il n’y a plus aucun endroit sûr en Haïti. Les civils sont les premières victimes des violences. Rien que sur le premier trimestre 2024, il y a eu officiellement 2 500 morts et blessés et plus de 500 kidnappings. Aujourd’hui, même en restant chez soi, on court le risque d’être touché par une balle perdue.

Les gangs s’attaquent de manière systématique aux édifices publics et les rues sont le théâtre d’affrontements sanglants. Ils ont aussi installé des barrages sur les trois principaux axes routiers de la capitale et ceux qui refusent de payer pour passer se font tirer dessus de façon systématique. Pas un jour ne passe sans que plusieurs personnes meurent.

« La situation en Haïti est cataclysmique. On est sur des niveaux de violence extrême : les gangs débarquent dans un quartier, pillent les habitations, violent les femmes, brûlent les maisons et leurs occupants. Les habitants sont obligés de fuir : on compte plus de 180 000 déplacés internes au sein de la capitale, dans plus d’une vingtaine de camps, et les services de l’État ne sont plus en mesure de leur apporter un quelconque soutien », explique Cédric Piriou, directeur de HI en Haïti.

Des besoins multiples et urgents

Haïti fait face à une crise multidimensionnelle : il est difficile d’identifier une priorité humanitaire, tant il y a de besoins urgents. En plus de la crise sécuritaire, il y a des problèmes sanitaires : 70 % des hôpitaux ne sont plus fonctionnels, donc la population n’a plus accès à des soins essentiels. Pour des personnes sous dialyse, des femmes enceintes ou des personnes ayant le VIH par exemple, la vie ne tient plus qu’à un fil. À cela s’ajoute une épidémie de choléra, qui a refait son apparition en octobre 2022.

« Le pays fait également face à une crise alimentaire sévère. Haïti est le deuxième pays avec les taux d’insécurité alimentaire aigüe les plus élevés, après les territoires palestiniens occupés. Aujourd’hui, 50 % de la population haïtienne est en insécurité alimentaire, soit 5 millions de personnes. Parmi elles, 1,6 million sont en urgence alimentaire – or après la phase d’urgence, c’est la famine, et la famine c’est la mort. »

S’adapter pour répondre aux besoins des Haïtiens

« En Haïti, tout est imprévisible. On essaye d’anticiper mais un quartier peut tout à fait être très calme et, à peine quinze minutes plus tard, être mis à feu et à sang par les gangs. Alors le maître mot, c’est la flexibilité, pour éviter de faire courir tout risque à nos employés et à la population. »

HI mène des actions pour répondre à la flambée de choléra dans le pays, à travers la décontamination de maisons ou la distribution de seaux et de produits chlorés. L’association intervient également via une assistance alimentaire, en ciblant en particulier les personnes handicapées qui vivent dans les camps de déplacés et sont souvent celles dont la situation est la plus précaire. Quand les gangs attaquent les camps, elles sont bien souvent les dernières à pouvoir fuir.

HI pourvoit aussi des services logistiques pour l’ensemble des organisations, nationales, internationales et agences onusiennes, afin d’acheminer du matériel humanitaire de la capitale vers les provinces. Pour contourner les barrages routiers, le transport est devenu maritime, grâce au cabotage entre les ports de la côte haïtienne.

Par ailleurs, HI lance un projet d’urgence en collaboration avec MSF, dont les médecins font partie des rares, voire des seuls, encore en mesure de prodiguer des soins à la population. Dans le cadre de cette collaboration, les kinésithérapeutes de HI vont intervenir immédiatement après la prise en charge des patients – le plus souvent due à des blessures par balles – pour prodiguer des soins de réadaptation physique et fonctionnelle et éviter ainsi des complications sur le long terme.

L’espoir, la force de la perle des Antilles

« La population haïtienne, malgré cette situation catastrophique et un quotidien extrêmement compliqué, garde espoir et croit en des lendemains meilleurs. »

Les choses peuvent changer, mais pour cela il faudra du temps. L’enjeu est de ne pas répondre uniquement aux crises et aux urgences, mais bien d’accompagner à la restructuration du pays. Il est avant tout nécessaire que la sécurité puisse être rétablie. Les membres des gangs ont pour la plupart à peine 18 ans ; ils étaient enfants lors du terrible séisme de 2010 et ont souvent perdu leurs parents. Ils se sont retrouvés orphelins dans des bidonvilles, sans aucun accompagnement… Nous payons aujourd’hui le prix de ces négligences. Pour y remédier, il faut donc un accompagnement financier international plus important et au-delà du ponctuel. Aujourd’hui, le Plan de Réponse Humanitaire n’est financé qu’à hauteur de 24 %, alors même que nous sommes déjà au mois de juillet.

C’est dans cette logique que HI travaille, en appuyant les organisations locales haïtiennes. Nous travaillons au quotidien avec 24 organisations partenaires ; car c’est en structurant la société civile et les ONG haïtiennes que le pays pourra s’en sortir.  C’est pourquoi nous continuons à soutenir trois hôpitaux. Si celui de Port-au-Prince est aujourd’hui sous contrôle des gangs, nous intervenons toujours au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, que les gangs n’ont pas réussi à investir, ainsi que dans les hôpitaux des deux départements du Nord-Est et du Sud-Est.

« Pour moi, la solution pour Haïti ne passera que par les Haïtiens. Ce pays est fantastique, mais c’est un petit peu les montagnes russes. En Haïti, on a du mal à faire dans la demi-mesure : on vit de grands bonheurs et de grands malheurs au quotidien. Ma femme et mes enfants sont haïtiens, donc je garderai espoir toute ma vie. Je veux qu'ils puissent rentrer dans leur pays et profiter de ses nombreuses richesses. On souhaite et on a l’espoir que Haïti redevienne la perle des Antilles. »

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