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Insertion des personnes handicapées : les grands projets de Damien, cordonnier à Cotonou

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Inclusion | Réadaptation | Benin | PUBLIÉ LE 19 février 2025
Un homme se tient debout, appuyé sur des béquilles, entre les portes ouvertes d'un atelier donnant sur la rue. Un présentoir expose différentes paires de chaussures de type sandales.

Damien Falola, 46 ans, expose ses réalisations dans son atelier de cordonnerie « Fadasco Chaussures » à Cotonou. | © Solva - B. Akpo / HI

Fort de son énergie et de sa détermination, Damien Falola a pu réaliser son rêve : lancer sa cordonnerie. Il raconte son parcours et le soutien reçu en réadaptation et en insertion professionnelle.

Un élève assidu et motivé

J’ai grandi à Cotonou, la capitale économique du Bénin. À l’âge de 5 ans, j’ai eu une poussée de fièvre ; on m’a amené à l’hôpital où j’ai reçu une piqûre antipaludique. Mais ensuite ma température a continué d’augmenter, mes membres inférieurs ont commencé à ne plus réagir... C’est comme ça que je suis devenu une personne handicapée au niveau des membres inférieurs.

« Cela ne m’a pas empêché d’aller à l’école. En ce temps-là, j’avais 10 ans et l’école n’était pas du tout adaptée pour accueillir des enfants handicapés. Mon papa me portait sur un vélo et me déposait devant la salle de classe ; j’y entrais à quatre pattes. »

Dans les années 1990, mon papa s’est rendu au guichet unique de protection sociale de Cotonou, où l’on peut recevoir une assistance de l’État. Après une évaluation, on m’a programmé plusieurs opérations chirurgicales réparties sur près d’un an. Par la suite, j’ai pu utiliser des béquilles et même si me déplacer avec n’était pas facile, je m’y suis tenu. Comme j’étais premier dans toutes les matières et très motivé, le centre a aussi pris en charge mes frais scolaires.

Pour aller à l’école, je prenais souvent des taxi-motos ; ma sœur aussi m’aidait, quand elle avait le temps. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours été très studieux ; je n’ai jamais manqué les cours et j’ai réussi tous mes examens. J’ai continué les études jusqu’en terminale, où j’ai postulé à un concours en informatique. Le jour où je suis entré dans la salle d’examen, un examinateur m’a aperçu et est venu me dire qu’en tant que personne handicapée, je ne pouvais pas avoir accès au concours. On m’a obligé à sortir de la salle. Cette discrimination m’a complètement découragé : tous ces efforts, tout ce parcours, juste pour en arriver là ?

Première étape de l’inclusion : être en bonne santé

J’ai abandonné ma terminale et comme j’avais déjà une famille, j’ai cherché des petits boulots pour pouvoir avancer. Je me suis lancé dans l’immobilier jusqu’au jour où le destin a frappé à ma porte. Alors que je ressortais d’un rendez-vous, je suis tombé sur une usine de fabrication de chaussures. J’ai été sidéré, c’était si impressionnant ! Ce travail est rentré dans mon âme et je me suis renseigné sur la formation, sans savoir que j’aurai bientôt l’opportunité de la suivre.

Un an après, le guichet unique de protection sociale m’a proposé d’intégrer le projet d’insertion professionnelle de HI : c’est là que tout a commencé. Tout d’abord, HI a pris en charge mon suivi médical pour que je sois en bonne santé. Comme ma colonne vertébrale me faisait mal, on m’a prescrit des médicaments, des orthèses de membres inférieurs et un corset. HI a payé les frais pour la confection des orthèses ainsi que les médicaments et des séances de rééducation au Centre National Hospitalier Universitaire de Cotonou. J’espère que cet appui se prolongera dans le futur, notamment avec l’aide du ministère des affaires sociales du Bénin, pour que je continue à améliorer mon état de santé.

« Mes anciens appareils étaient abîmés et j’avais des douleurs dans la colonne vertébrale. Le corset et les orthèses de jambes m’ont fait beaucoup de bien, je marche aisément et je suis protégé contre les faux mouvements quand je me tiens debout ou assis. »

Un projet moderne et ambitieux

Ensuite, j’ai rejoint le programme de formation avec d’autres participants et participantes ; pour ma part, j’ai choisi la cordonnerie, vous vous en doutez bien ! La formation a duré une dizaine de mois et était très rigoureuse. HI prenait en charge nos déplacements et suivait de près nos progrès, ce qui nous motivait pour continuer.

Une fois le diplôme obtenu, HI a soutenu mon plan d’affaire en me fournissant des outils : la machine à coudre, les moules, les outils, les marteaux… du matériel que j’utilise au quotidien. Je fabrique des chaussures et je les présente un peu partout en ville pour que les clients passent des commandes, lesquelles se font surtout en ligne. J’ai créé un grand forum avec plus de 1 000 adhérents où je présente mes productions. J’ai des clients jusqu’à Parakou, dans le nord du pays !

« Je suis fier du travail accompli. Ce qui me motive, c’est quand je présente mes réalisations et que les gens s’écrient : "C’est au Bénin que vous avez réalisé ça ? Ce sont des chaussures importées !" Je leur réponds que non, ce sont mes œuvres. Les gens sont contents et ça me réjouit, ça me donne envie de continuer à percer et à aller de l’avant. »

Avec le temps, j’aimerais aussi exporter mes produits à l’extérieur du pays et lancer ma propre marque. Mon entreprise s’appelle « Fadasco Chaussures » et je veux la transformer en « Fadasco Fashion » pour lancer une ligne de vêtements, comme ça les clients pourront acheter des chaussures et des boubous assortis.

Continuer le travail de l’inclusion

Mes chaussures à lanières croisées rencontrent beaucoup de succès et j’ai commencé à les adapter pour les personnes handicapées en mettant des lanières à l’arrière pour maintenir le pied. Je veux faire tout mon possible pour que les personnes handicapées se sentent à l’aise avec mes chaussures.

« Je fais mon bonhomme de chemin et mon objectif est maintenant de recruter des apprentis, personnes handicapées ou non. Je suis pour l’inclusion, mon atelier est ouvert à tout le monde et je rêve d’aider des personnes handicapées comme moi à trouver du travail. »

Je suis le président de la Coordination des personnes handicapées du deuxième arrondissement de Cotonou. Avec nos différents partenaires, nous sensibilisons à l’inclusion et beaucoup de choses ont changé au cours des dernières années. On constate de vraies améliorations ; par exemple, les nouvelles constructions de l’État prévoient désormais des rampes pour une meilleure accessibilité physique des bâtiments.

Toutefois il reste encore des progrès à faire dans l’environnement et certains bâtiments construits il y a longtemps restent peu accessibles pour nous... Partout où je vais – hôpitaux, pharmacies… – je sensibilise les gens, je signale les obstacles qui existent.

« Il faut que nous, personnes handicapées, puissions nous rendre partout et vivre notre vie aussi paisiblement que les autres. »

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