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Prothèses reconditionnées : à Madagascar, HI répond aux besoins des personnes amputées

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Réadaptation | Madagascar | PUBLIÉ LE 17 mars 2025
Un jeune homme, bénéficiaire d'une prothèse reconditionnée, se tient debout dans les locaux de HI Madagascar.

Novembre 2024, Antananarivo. Nanut a reçu une prothèse dans le cadre du projet Liimba, déployé par HI à Madagascar. | © A. Perrin / HI

Nanut a reçu une prothèse dans le cadre du projet Liimba, déployé par HI à Madagascar. Il livre un récit lumineux et partage son envie d’aider les personnes qui comme lui, ont besoin d’une prothèse.

Nanut est un jeune homme de 22 ans. Il a été amputé lorsqu’il était enfant et vit à Antananarivo, la capitale de Madagascar, qu’il a rejoint pour poursuivre ses études en 2020 après avoir obtenu son Bac. Malgré des concours réussis pour entrer à l’Université, la pandémie de COVID-19 ne lui a pas permis de rejoindre la faculté car sa famille a fait face à des difficultés financières, il a dû s’adapter. Aujourd’hui il travaille en tant que menuisier dans une entreprise à Ampasampito, un quartier de la capitale. Il a reçu une prothèse en 2022, via le projet Liimba, et raconte son histoire d’enfant, devenu un jeune adulte solaire s’étant construit après une amputation.

Une bonne intention qui tourne mal…

Je n’étais qu’un petit garçon lorsque j’ai perdu ma jambe, la plupart des souvenirs que j’ai, je les ai reconstruits à partir de ce que ma mère m’a raconté en grandissant. J’étais un bébé tout à fait comme les autres et lorsque j’avais deux ans, mes parents m’ont emmené chez le médecin pour me faire vacciner. Le temps a passé et quelques mois plus tard, mon pied droit a commencé à se déformer jusqu’à devenir un pied-bot, nous n’avons jamais su si le vaccin y était pour quelque chose ou non. J’ai donc continué de grandir avec ce pied-bot, comme les autres enfants, mais mes parents cherchaient tout de même une solution pour guérir mon pied déformé. 

À cinq ans, ils m’ont emmené voir un praticien qui déclarait pouvoir soigner les pieds-bots grâce à des massages. Après quelques semaines de soins, et sans évolution de l’état de mon pied, le praticien a finalement dit à mes parents qu’il pouvait pratiquer une sorte d’opération. Celle-ci consistait à inciser au niveau de ma cheville, puis à redresser le pied manuellement en forçant sur l’os… Je n’ai aucun souvenir de la douleur, je me souviens seulement qu’il a demandé à mes parents de mettre mon pied dans une sorte de chaussure pendant une semaine, pour maintenir la position qu’il aurait donné lors de son opération. Au bout de quelques jours, la plaie s’est infectée et mes parents se sont précipités à l’hôpital pour que l’infection soit traitée… En voyant que le traitement ne faisait pas effet et que l’infection commençait à se propager plus haut dans ma jambe, les médecins ont pris la décision de me transférer dans un hôpital au Nord de Madagascar pour y subir une amputation en dessous du genou.

Ma mère m’a raconté que cela avait été fait rapidement mais qu’elle était très triste, non pas de savoir que je serai handicapé mais elle craignait que je ne décède pendant l’opération pour amputer ma jambe... 
Moi je me souviens seulement que j’adorais jouer au football, et que d’un coup ce n’était plus possible car on m’avait enlevé ma jambe. C’est comme ça que je me suis rendu compte que je n’étais plus comme mes camarades, même si j’ai eu la chance de n’avoir jamais été victime de discriminations ou de moqueries à l’école.

Bricoler, se débrouiller en attendant de recevoir une prothèse

Après mon opération, lorsque nous avons quitté l’hôpital pour rentrer chez nous, les médecins n’avaient pas fourni de béquille ou de prothèses à mes parents, je n’avais rien pour m’aider à me déplacer ! Après m’être remis de l’opération, et comme j’étais plutôt bricoleur même très jeune, j’ai décidé de me construire une béquille en assemblant quelques morceaux de métal. C’était un début, et j’ai continué de grandir avec des béquilles pour pouvoir faire ma vie comme les autres.

Ma première prothèse, je l’ai reçue en 2022 quand j’ai eu 20 ans ! J’en avais toujours voulu une pour que cela facilite un peu plus mon quotidien, je regardais des vidéos de personnes qui vivaient avec des prothèses pour me projeter et me motiver mais cela coûte très cher et c’est assez rare ici… J’étais tellement heureux quand le moment est enfin arrivé ! Au début, le temps de m’y habituer, la prothèse me gênait un peu mais je n’ai pas vu cela comme quelque chose de négatif. Pour moi, cela faisait partie du processus, j’étais tout de même très content ! 

Pendant deux semaines après mon appareillage, je continuais d’aller voir régulièrement les professionnels qui se sont occupés de moi pour qu’ils ajustent ma prothèse. J’avais aussi des exercices à faire pour apprendre à marcher correctement avec. Je me rappelle bien l’apprentissage des escaliers : c’est la jambe valide qui monte en premier et à la descente, c’est l’inverse, la prothèse doit descendre d’abord ! Et depuis, je retourne régulièrement au Centre Hospitalier Universitaire d'Appareillage de Madagascar (CHUAM), qui se trouve à Antananarivo, pour des ajustements ou de petites réparations.

Soutenir la communauté à son échelle

Aujourd’hui, je suis très heureux. Je peux travailler comme tout le monde, quand les gens me regardent ils ne peuvent pas savoir que j’ai une prothèse donc je ne suis pas gêné. J’ai vraiment le sentiment d’être comme tout le monde !

J’essaye aussi d’apporter ma pierre à l’édifice. Lorsque je rencontre des personnes handicapées et amputées, je les encourage à avoir des objectifs et à se battre pour les atteindre et ne pas désespérer. Je vais à leur rencontre pour leur expliquer où est le CHUAM et ce qu’ils font pour les personnes qui ont besoin de prothèses, je leur raconte mon expérience… Les médecins nous demandent de diffuser l’information, c’est chouette de jouer ce rôle d’ambassadeur ! Quand les personnes sont ouvertes à la discussion, j’essaye aussi de les pousser à se rapprocher d’associations. Ce sont des sources d’informations précieuses et proches des institutions, c’est toujours utile.

Plus tard, j’aimerais reprendre des études de langue pour perfectionner mon français et apprendre l’anglais. Je suis aussi très sportif, il y a quelques semaines j’ai demandé au CHUAM s’ils avaient des prothèses spécifiques pour faire du sport. Coup de chance, il y en avait une ! Je m’entraîne avec tous les jours, j’espère pouvoir pratiquer un sport individuel en compétition paralympique un jour mais surtout, j’aimerais créer une association sportive de personnes amputées ! Je sens que le sport est un bon moyen pour s’ouvrir aux autres et aider les personnes handicapées à s’épanouir.

À propos du projet Liimba

Depuis la création du projet en 2006, les équipes de HI collectent des centaines de prothèses et orthèses usagées, auprès de particuliers et de professionnels, pour en reconditionner les composants. Cette initiative unique, déployée en Belgique, en France, au Luxembourg et en Suisse, a pour objectif final de permettre à des personnes handicapées d’accéder à un appareillage de qualité et de regagner leur mobilité. 
Une fois collectés, les composants sont envoyés dans un atelier, près de Lyon en France, où une équipe de bénévoles les démonte, les nettoie et les trie pour identifier les pièces réutilisables et les reconditionner. Ces pièces sont par la suite envoyées dans les pays d’intervention de HI où le projet Liimba est mis en œuvre ; ils serviront à construire de nouvelles prothèses et mis à la disposition des personnes en ayant besoin.

Pour en savoir plus, retrouver un article dédié au projet ici.

 

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