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Dans le nord de Madagascar, dépasser la crainte du prochain cyclone

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Prévention | Urgence | Madagascar | PUBLIÉ LE 12 février 2025
Plusieurs participants à un exercice de simulation de catastrophe naturelle transportent une victime sur une civière.

Octobre 2024, Ambilobe. HI a organisé un exercice de simulation de catastrophe climatique pour préparer la population. | © A. Perrin / HI

Grâce à l’action de HI depuis plusieurs années, les habitants du district d’Ambilobe se préparent à faire face à la saison cyclonique et aux tempêtes tropicales annoncées.

Il y a quelques semaines, le cyclone Chido est passé tout près de Madagascar, avant de faire d’importants dégâts sur les territoires voisins. La Grande Île a échappé de peu à la catastrophe mais la menace est toujours présente : en 40 ans, plus de 90 cyclones ont frappé l’île, provoquant ainsi des conséquences humanitaires désastreuses et fragilisant à chaque fois davantage ce que les habitants tentent de reconstruire. Particulièrement exposées à ces aléas, les communautés qui habitent le Nord de l’île ont pu compter sur le soutien de HI pour anticiper les catastrophes et s’y préparer en veillant à ne laisser personne de côté.

Près d’un an après, le souvenir de la catastrophe reste vif

Alors que Chido menaçait l’île il y a seulement quelques semaines, l’inquiétude se lit sur les visages des habitants d’Ambilobe, une ville située dans la vallée du Mahavavy, au Nord de Madagascar. 
En mars 2024, cette région a été ravagée par le passage du cyclone Gamane. À Ambilobe, les rafales de vent ont rapidement laissé place à des inondations sans précédent : les rivières qui traversent la commune sont sorties de leur lit, les eaux ont tout emporté sur leur passage, laissant ainsi la population dans une précarité extrême. 

Yvette Patine est cheffe du district d’Ambilobe, chargée de l’appui au développement, elle témoigne :

« Cet épisode est le pire que la région a connu. Le souci, ce sont les inondations, le cyclone lui passe vite, mais une fois que l’eau est montée… C’est fini. Cette fois les digues n’ont pas suffi, les maisons ont été anéanties, un pont cassé, les routes coupées… Le bilan est assez important, plusieurs personnes sont décédées, un grand nombre a été déplacé et il nous a fallu plusieurs mois pour tout dégager. Les gens sont toujours inquiets. »

Vivres, habitations, moyens de subsistances… Certains ont tout perdu lors de ce phénomène d’une rare violence dans la région. Monsieur Lemarisc réside dans l’un des fokontany gravement touché par les inondations, il raconte :

« J’ai près de 75 ans et je n’ai jamais vu autant de dégâts, la brutalité des inondations a surpris tout le monde. Un de mes voisins a tout perdu, il n’a toujours pas retrouvé de maison, ni de quoi travailler ou vivre dignement. Aujourd’hui c’est encore compliqué, tout n’a pas été reconstruit : les digues de protection sont détruites, les bâtiments et les routes fragilisés… La saison pluvieuse est là et nous ne sommes pas prêts. »

En plus des dégâts et des pertes causés par le cyclone, ce sont les violences que craignent les habitants. Monsieur Lemarisc confie que quelques heures après les inondations, lorsque les plus fragiles ne pouvaient pas encore rentrer chez eux, des crapules sont venu piller ce qui n’avait pas été emporté par l’eau, à la recherche de nourriture, d’argent ou de n’importe quel autre objet à vendre.

La violence est également physique, notamment dans les centres d’hébergement d’urgence où les femmes et les enfants sont particulièrement exposés. Olidia Razananoro, représentante du Ministère de la Population et des Solidarités à Ambilobe et membre d’un comité associatif en faveur du droit des femmes, précise :

« Lorsqu’un choc de ce type arrive, la priorité est de protéger la population. Malheureusement, les solutions d’hébergement sont limitées et il n’est pas toujours possible d’isoler les femmes et les enfants d’un côté et les hommes d’un autre… Ici, les droits des femmes ne sont pas acquis. Elles sont victimes de violence, qu’elle soit économique, physique ou psychologique et dans ce genre de situation, tout est décuplé. Nous observons souvent des systèmes d’exploitation se mettre en place, les femmes et les enfants deviennent alors d’autant plus vulnérables aux violences sexuelles… »

Bien que ces craintes soient justifiées, les équipes HI étaient présentes auprès des communautés pendant de long mois pour les accompagner dans l’anticipation face à ces risques d’aléas. Une démarche qui permet aujourd’hui à la population d’être mieux préparée, d’avoir acquis les bons réflexes en cas de danger et ainsi de sortir de la crainte perpétuelle de la prochaine catastrophe.

Réduire le risque de catastrophes en préparant la population

Pour cette saison, les prévisions météorologiques estiment qu’entre 2 et 5 cyclones, d’intensité plus ou moins importante, pourraient présenter un risque pour Madagascar, en particulier au Nord de l’île. Bien que des initiatives existent, des efforts sont nécessaires pour renforcer l’inclusion des personnes handicapées dans la gestion de risques de catastrophes. Ainsi, HI a travaillé avec toutes les parties prenantes dans la région d’Ambilobe pendant trois ans, pour renforcer la résilience des communautés exposées, et veiller à ce que la réalité des personnes handicapées soit prise en compte.

Lucien Peter a 45 ans, il occupe la fonction de commandant des pompiers et de la police municipale à Ambilobe. Il est notamment chargé de superviser ce qu’il se passe à l’annonce, pendant et après d’un cyclone, d’inondations ou de fortes pluies. Il a donc été un partenaire régulier de HI et rappelle que la préparation est un travail continue : 

« Des choses sont acquises mais il reste beaucoup à faire. Pour la population, tant qu’il ne pleut pas, cela n’existe pas ! En plus de la préparation pratique du matériel, des hébergements d’urgence et des systèmes d’alerte, il y a un vrai travail à mener sur la sensibilisation de la population. »

D’après Monsieur Peter, travailler étroitement avec HI et l’Organisation de Personnes Handicapées d’Ambilobe a permis de mieux connaître les personnes handicapées qui habitent dans la commune. Ce travail d’identification permet ainsi aux autorités de savoir plus précisément qui est handicapé pour connaître les besoins spécifiques et adapter la préparation et l’aide à apporter si nécessaire : 

« Je remercie grandement HI pour leur aide précieuse en matière de gestion des risques de catastrophes, j’ai de l’admiration pour le travail qui a été fait. Sur ce sujet, beaucoup d’ONG ne vont pas à la rencontre de la population. Avec HI, il y avait une vraie approche communautaire. Cela nous permettra de mieux protéger les gens et l’on sent qu’il y a déjà une évolution, un changement de comportement de la part des habitants. »

Mettre en pratique les acquis en simulant l’arrivée d’un cyclone

À la fin du mois d’octobre 2024, dans le cadre de son projet ATRIKA d’action anticipée face aux chocs climatiques, tels que les cyclones et les inondations, HI a organisé un exercice de simulation. Pompiers, policiers, associations, journalistes, représentants de ministères et du Bureau National de Gestion des Risques de Catastrophes… Pendant 4 jours, l’ensemble des partie-prenantes mobilisées lorsqu’un cyclone est annoncé s’est mis en condition pour jouer le jeu. L’objectif ? Tester les protocoles d’action développés par HI dans la région d’Ambilobe et identifier ce qui est acquis, ce qui fonctionne et ce qu’il reste à mettre en œuvre pour aboutir à une gestion du risque de catastrophe efficace et inclusive. 

« Du fait du changement climatique, les cyclones sont de plus en plus intenses. Même si notre capacité de résilience s’est améliorée ces dernières années, elle reste faible et le passage de Gamane a fragilisé encore plus ce qui l’était déjà… », s’inquiète Yvette Patine.

La fonctionnaire de 58 ans, conclue néanmoins que même si la population est têtue, quelque part, la commune a de la chance car maintenant les gens ont l’expérience et ont conscience du risque… Elle reste confiante, pour elle, la préparation est cruciale. Il faut que la population soit préparée, pour réduire au maximum le risque de catastrophe humanitaire chaque fois qu’un cyclone menacera la région.

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